Nouveau PNACC : Quelles mesures concernent les partenaires sociaux ?
- Mathilde Despax
- 25 mars
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Dans cet article :
Le PNACC3 : De quoi s'agit-il ?
Le PNACC (Plan National d'Adaptation du Changement Climatique) constitue l’un des piliers de la Stratégie française en matière de réduction de l’impact des activités nationales sur le climat et l’environnement. Sa réalisation découle des engagements nationaux pris aux niveaux européens (Green Deal / paquet climat « Fit for 55») et internationaux (Accord de Paris).
Son principal objectif consiste à « préparer la France aux impacts du réchauffement climatique, en anticipant un scénario de +4°C d'ici 2100 ». Il s’agit donc d’une stratégie d’anticipation aux conséquences du réchauffement climatique (inondations, sécheresses, canicules), à travers le « renforcement de la résilience des infrastructures, la protection des populations et le soutien aux filières »
Avec un an de retard sur son échéance de publication, la troisième version de ce plan, présentée le 10 mars dernier par le gouvernement, est loin de faire l’unanimité. Trois jours seulement après son lancement par le gouvernement, Le Haut Conseil pour le climat a notamment publié un avis sur auto-saisine visant à alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de renforcer les moyens de mise en œuvre du plan. A travers 24 nouvelles recommandations, le HCC propose ainsi des solutions qui permettraient « d’impulser une politique d’adaptation à la hauteur des enjeux ».
Quelles mesures impliquent les représentants des salariés ?
L’implication des partenaires sociaux concerne 4 mesures (sur 52), au niveau des branches professionnelles et des entreprises :
MESURE 11
Adapter les conditions de travail au changement climatique en renforçant les obligations de prévention des employeurs
Cette mesure prévoit notamment le renforcement des obligations de prévention pour les employeurs afin de préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
Pour y parvenir, une concertation sera menée avec les partenaires sociaux dans le cadre du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) sur les mesures de prévention envisagées. L’objectif est d’élaborer une base juridique applicable à toutes les situations dans lesquelles les travailleurs sont exposés à des niveaux de chaleur élevés susceptibles de porter atteinte à leur santé et à leur sécurité en extérieur comme en intérieur. La concertation pourra porter sur les propositions suivantes :
Ajouter dans le code du travail de nouvelles dispositions applicables aux équipements de travail et aux lieux de travail pour conserver une ambiance thermique convenable ;
Prévoir de nouvelles dispositions applicables aux donneurs d’ordre mais également aux maitres d’ouvrage aux fins de coordination des actions de prévention mises en œuvre par les différents employeurs participant à une même opération ;
Préciser la notion de vigilance correspondant à un épisode de chaleur intense en renvoyant à un arrêté le soin de fixer les niveaux de vigilance météorologique du dispositif de vigilance dénommé « canicule » de Météo-France et de déterminer les niveaux de vigilance correspondant à un épisode de chaleur intense à prendre en considération par l’employeur pour la mise en œuvre des mesures ou des actions de prévention prévues ;
Lorsque l’évaluation des risques le rend nécessaire, poser le principe de la préparation, par les employeurs, de mesures ou d’actions de prévention contre le risque d’exposition des travailleurs aux épisodes de chaleur intense, telles que des mesures d’organisation du travail de façon à limiter l’exposition au risque thermique (décalage des horaires de travail sur les périodes les moins chaudes de la journée, augmentation du nombre et/ou de la durée des pauses, aménagement de la charge de travail)
[...] Par ailleurs, les discussions concernant la prévention des risques professionnels liés au climat seront encouragées dans le cadre des Comités sociaux et économiques (CSE) et des Commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) des entreprises, afin de construire des solutions au plus près des besoins.
MESURE 33 Mobiliser tous les secteurs économiques : intégrer l’adaptation au changement climatique dans les stratégies des entreprises
Cette mesure vise à aider les entreprises à la prise en compte effective des enjeux d’adaptation au changement climatique dans leurs stratégies.
Pour y parvenir, une action spécifique concerne l'animation d'un groupe de travail inter-filières au sein du Conseil national de l’industrie (CNI) destiné à "faciliter l’appropriation des outils génériques et sectoriels d’adaptation, le partage d’expériences et la définition de travaux à mener en commun".
Le lancement du groupe de travail est intervenu au 4eme trimestre 2024 (sensibilisation aux enjeux de l’adaptation pour les entreprises et définition du premier axe de travail (réalisation de guides sectoriels)
Durant l'année 2025, le calendrier de déploiement de cette mesure prévoit la réalisation de points en Comex CNI et en bureaux de CSF sur la mise en œuvre des actions de résilience de l’économie inscrites dans le PNACC et sur les actions d’adaptation menées par les filières.
Composition actuelle du comité exécutif du Conseil national de l’industrie (CNI)⁶

MESURE 34 Intégrer les enjeux de l’adaptation dans les dispositifs d’aide aux entreprises
Le déploiement de cette mesure inclut des actions de sensibilisation et d'accompagnement des entreprises et les branches professionnelles au risque de suspensions d’activité due au changement climatique.
Dans ce cadre, deux actions impliquent la participation des représentants salariés :
Le lancement d'une concertation sur l’adaptation des entreprises aux conséquences du changement climatique. Le plan incite également à faire de l'adaptation un sujet du dialogue social à l’échelle des branches professionnelles et au niveau interprofessionnel.
Le lancement d'une concertation concernant la mise en place de régimes sectoriels pour la prise en charge des suspensions d’activité. Cette concertation pourrait conduire à la mise en place, notamment au niveau des branches, de régimes sectoriels permettant la prise en charge des suspensions d’activité. Ces régimes privés indemniseraient, selon les règles et les besoins spécifiques de la profession ou du secteur, les périodes de suspension d’activité provoquées par le changement climatique. Les partenaires sociaux pourraient donc être invités à négocier afin de mettre en place de tels régimes sectoriels soit, à l’instar du dispositif « BTP intempéries », au niveau et par chacune des branches professionnelles, soit au niveau de plusieurs branches partageant la même nature de risque. La couverture pourrait être obligatoire ou facultative.
Cadre et calendrier de mise en oeuvre :

MESURE 41 Développer les outils et informations nécessaires aux entreprises pour s’adapter au changement climatique
Cette mesure prévoit le déploiement d'actions de sensibilisation des filières économiques à l’intérêt de la production de guides sectoriels d’évaluation des vulnérabilités au regard des risques physiques auxquels sont exposés les sites en lien avec le changement climatique (par exemple sécheresse, inondations, glissements de sols, etc.) et de solutions d’adaptation et accompagner les filières intéressées par la production de guides sectoriels pour s’adapter au changement climatique.
La priorité porte sur les filières potentiellement les plus impactées, telles que l’agroalimentaire, la transformation du bois, la chimie, les matériaux de construction et le bâtiment, la gestion de l’eau, le secteur de la logistique et le tourisme. Ces guides pourront contenir en particulier :
l’analyse des risques et opportunités sectoriels spécifiques
la définition de plans d’actions d’adaptation à ces risques
Ces guides contribueront à l’évolution des plans de continuité d’activité et des capacités d’adaptation des entreprises (comme l’évolution en matière d’emplois, de compétences et de travail que ces mesures nécessitent).
Cadre et calendrier de mise en oeuvre :

Réactions du monde syndical

Pour la CFDT, "impliquer les entreprises et les branches constitue une avancée significative, mais les moyens associés sont insuffisants"
Dans son communiqué, la CFDT indique être satisfaite que plusieurs mesures concernent spécifiquement les entreprises et les branches.
Selon Anne-Juliette Lecourt, secrétaire confédérale chargée de la transition écologique juste, « Avec le PNACC 3, on a gravi deux marches en matière de responsabilisation des entreprises »
Toutefois, elle indique que le plan contient plusieurs bémols, notamment concernant l’absence d’obligations mais seulement des « incitations » (pour les entreprises comme pour les filières) et que le plan s’attache en priorité aux impacts liés aux fortes chaleurs « alors qu’il existe de nombreux autres risques qu’il s’agirait d’intégrer et de mieux documenter »
Par ailleurs, selon l’organisation syndicale, plusieurs points clés restent à éclaircir
Les moyens financiers associés au déploiement du plan se révèlent actuellement insuffisants et non pérennes.
la valeur juridique du plan, que certains voudraient voir inscrit dans le code de l’environnement – ce qui lui conférerait davantage de poids juridique et garantirait son opposabilité.
Les modalités de suivi et d’évaluation de ce plan, qui n’a pas encore éclairci par la ministre lors de la présentation.
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La CFE CGC, salue la démarche et appelle à renforcer la pérennité des financements, les enjeux liés à la santé et la formation des salariés sur ces sujets
Madeleine Gilbert, secrétaire Nationale CFE CGC Transition vers un monde durable, insiste sur les positions suivantes:
« Nous serons très vigilants sur la pérennité des financements dans une démarche de concertation avec toutes les parties prenantes dont les organisations syndicales »
(...)
« Ce plan a le mérite d’exister avec une véritable consultation. Si nous saluons la démarche de la ministre Agnès Pannier-Runacher, il reste désormais à aborder en profondeur toutes ces problématiques en ayant bien conscience des enjeux. La CFE-CGC en appelle notamment à un plan ambitieux pour la santé au travail face aux impacts climatiques et à un renforcement des formations des salariés pour s’y adapter en veillant aux emplois et à la transition des métiers. »

Pour la CGT, "il est urgent d'agir autrement !"
La CGT dénonce plusieurs points clés du PNACC3 :
L’absence d’un financement dédié et pérenne alors que les besoins sont chiffrés à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.
Un transfert de responsabilité vers les collectivités territoriales, sans augmentation de leurs moyens.
Un manque de droits d’intervention des organisations syndicales et des travailleurs et travailleuses dans la mise en œuvre des mesures d’adaptation.
L’absence de véritable contrainte pour les entreprises, qui ne sont pas obligées de revoir leur modèle productif face aux enjeux climatiques.
Suite à ce constat, l’organisation syndicale émet les revendications suivantes :
Un plan de financement massif et contraignant : taxation des superprofits, des transactions financières et création d’un fonds public d’adaptation financé par les grandes entreprises polluantes.
Le renforcement des services publics : revalorisation de Météo-France, de l’ONF, des SDIS et des organismes de prévention des risques pour garantir une gestion publique de la résilience climatique.
Un droit d’intervention des travailleurs·euses : instauration de comités climat dans les entreprises et administrations, intégration des effets climatiques dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), prise en compte des fortes chaleurs comme facteur de risque professionnel.
Une régulation stricte des entreprises : conditionnement des aides publiques à des engagements sociaux et environnementaux, obligation de plans d’adaptation pour les grandes entreprises sous contrôle syndical.
Un grand service public du logement : financement massif de la rénovation thermique, encadrement des loyers, plan de lutte contre la précarité énergétique et contre la vacance immobilière.
Un pôle public de l’énergie et des transports : renationalisation des autoroutes et de la SNCF fret, investissements massifs dans le ferroviaire.
Un plan ambitieux pour la santé au travail face aux impacts climatiques : création d’un fonds de prévention des risques climatiques en entreprise, reconnaissance des maladies liées au climat comme maladies professionnelles, embauche de médecins du travail.
Un renforcement des emplois et des formations pour l’adaptation : développement des métiers de la rénovation énergétique, du bâtiment bas carbone, du reboisement et de la gestion de l’eau, avec des formations accessibles et revalorisées.
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Pour l’UNSA, "Appliquer la loi est d’abord la priorité"
Pour l’UNSA, si une telle orientation est bienvenue, il convient d’abord de faire appliquer la loi en matière de santé et de sécurité et de sécurité au travail
Par exemple en révisant les normes relatives à l’isolation des locaux de travail, en encadrant mieux les horaires de travail en cas de fortes chaleurs ou encore en favorisant un moindre impact des activités humaines sur le climat, etc.
Si la prévention renforcée des risques professionnels va dans le bon sens selon l’UNSA, le syndicat déplore la persistance du problème principal : 50 % des employeurs -publics ou privés- ne respectent toujours pas la loi.
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